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Kosmas Xenakis, un artiste oublié
Le musée Benakis du 138 Pireos ( rue du Pirée) accueille jusqu'au 20 mai 2015 une rétrospective de Kosmas Xenakis (1925-1984), le plus jeune des trois frères Xenakis : Iannis, l'aîné, le musicien et Jason le philosophe.
Kosmas commence à peintre très jeune, dès 1940 lorsqu'il rejoint l'EPON, l'organisation des Jeunesses communistes engagée dans la résistance contre l'occupant allemand.
Cette exposition est la bienvenue car elle fait redécouvrir, voire découvrir, un artiste qui a joué un rôle important dans l'après-guerre, mais tombé dans l'oubli. Peintre, sculpteur, urbaniste (cabinet d'architectes Doxiadis), décorateur de théâtre, Kosmas Xenakis s'est illustré dans tous ces domaines et se définissait comme un polytechnos / πολύτεχνος, un artiste s'essayant à toutes les formes d'arts plastiques. Il fut aussi un des premiers en Grèce à faire des happenings. Pendant toute sa vie, il s'est intéressé aux arts et activités traditionnels, collectant les objets les plus simples.
Il meurt en 1985, et son œuvre avec lui...
A ses débuts, il aime peindre des personnages de la rue, les bouchers par exemple. Le tableau ci-dessous rappelle le Moscophore (porteur de veau) du Musée de l'Acropole.
1954
Des portraits, des couples
Puis, le peintre est allé explorer l'abstrait, sans pour autant s'interdire le figuratif.
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Le peintre et commissaire de l'exposition, Giorgos Hadzimihalis, constate avec regret que les Grecs écrivent plus sur Matisse ou Picasso que sur leurs propres peintres. L'art contemporain de façon générale et et l'art contemporain grec a fortiori, puisqu'il n'est pas mis en valeur, a peu d'écho auprès du grand public. Quant au public étranger...
Les Grecs se sont fait enfermer et se sont laissés enfermer dans leur passé illustre, celui qu'ont recherché et recherchent les "Européens" et auquel la Grèce est identifiée, comme s'il n'y avait plus d'histoire après Périclès, ou pour le mieux après Alexandre... Les vieilles pierres d'un côté, l'ouzo et le sirtaki de l'autre avec le soleil et la mer...
Le poète Georges Seféris, dans le cadre de ses fonctions au Ministère des Affaires Etrangères et parce qu'il parle français, est sollicité en août 1929 pour accompagner Edouard Herriot (normalien agrégé de Lettres, maire de Lyon) dans un voyage en Grèce : expérience douloureuse qu'il relate dans le discours du Caire (1944) : "Une fois j’ai eu l’occasion d’accompagner un très docte étranger en visite dans mon pays. Il me dit un jour : « Moi, les choses postérieures au IIIème siècle av J-C ne m’intéressent pas.» Je l’admirais beaucoup mais j’ai été choqué. J’ai éprouvé, à l’entendre, une étrange et froide sensation, comme s’il avait éteint tout à coup les lumières sur une énorme superficie de 2200 et quelques années et que je me débattais dans cette mare ténébreuse et sans bornes. »
Dès le XIXème siècle, les voyageurs occidentaux ne reconnaissant pas dans les pauvres hères qu'ils rencontraient des Périclès, Platon et autres, les ont méprisés, et c'est comme si le complexe d'infériorité, intériorisé, était toujours là, avec comme exutoire quelquefois un nationalisme exacerbé et désuet...
A côté d'un Byron mourant pour la Grèce à Missolonghi, d'un Shelley s'écriant : "Nous sommes tous Grecs", combien de Chateaubriand ... Dans l' Itinéraire de Paris à Jérusalem, visitant Athènes à la fin d’août 1806 – empire ottoman - il écrit ceci : « l’indifférence des Grecs touchant leur patrie est aussi déplorable qu’elle est honteuse ; non seulement ils ne savent pas leur histoire, mais ils ignorent presque tous la langue* qui fait leur gloire : on a vu un Anglais poussé par un saint zèle, vouloir s’établir à Athènes, pour y donner des leçons de grec ancien. »
L'indifférence à l'histoire moderne et contemporaine de la Grèce permet de comprendre, me semble-t-il, la désinvolture avec laquelle ils sont considérés aujourd'hui dans et par l'UE : outre qu'ils seraient paresseux et menteurs, ils ont mal voté, et il faut les punir... S'est-on jamais autant "lâché" envers un autre partenaire européen ?...
* un peu d'attention et d'intérêt lui aurait fait comprendre qu'ils parlaient grec, un grec qui forcément, les siècles passant, avait subi des altérations (sans valeur péjorative) mais restait la même langue tout en étant une autre, ce qui est fascinant !
CQFD...
Tags : kosmas xenakis, art contemporain grec, musée benaki peiraios
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Commentaires
1blog de peauDimanche 5 Avril 2015 à 23:59Comment ne pas adorer votre blog ? Des articles toujours sympas et agréables à lire, merci.Répondre2penarbedLundi 6 Avril 2015 à 10:08
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