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Le monument de Lysicrate à Athènes (Plaka)
Les touristes prennent-ils le temps de regarder ce monument et de s'y intéresser ?
Les terrasses de la petite place où il se trouve sont, elles, pleines de monde !
Le monument et l'histoire de sa "survivance" sont passionnants !
Le monument de Lysicrate est un monument chorégique, c'est-à-dire qu'il commémore la victoire d'un chœur et de celui qui l'a financé (le chorège) aux concours théâtraux des Grandes Dionysies d'Athènes qui avaient lieu tous les quatre ans.
Si les musiciens, auteurs et acteurs étaient pris en charge par l'état, en revanche c'est aux riches citoyens qu'il revenait de recruter, entretenir et former un chœur, cet "acteur" fondamental de la tragédie et de la comédie antiques, Le chorège devait également s'occuper des figurants, des costumes, des masques...
Chaque chorège dépense sans compter pour que "son" chœur remporte le premier prix et que lui-même soit récompensé : une couronne de lierre et un trépied de bronze, trépied qu'il devra dédier à Dionysos et exposer dans le lieu consacré à ce dieu ou dans la rue des... Trépieds, laquelle a gardé son nom et la plus grande partie de son tracé jusqu'à aujourd'hui (odos tripodon, versant N-E de l'Acropole). Certains monuments sont modestes, de simples supports avec une inscription donnant le nom du chorège, sa tribu, le type de chœur, les noms de l'auteur et du flutiste. D'autres sont des constructions imposantes et originales.
Cette charge prestigieuse (appelée liturgie) et très onéreuse sera supprimée à la fin du IVème siècle av. J.-C. par Démétrios de Phalère, désireux de mettre fin à la concurrence effrénée et dispendieuse que se livraient les grandes familles athéniennes. Désormais l'Etat assumera ces frais, et il y aura un magistrat chargé de l'organisation.
Que nous reste-t-il de ces monuments ? Aucun trépied ! Deux bases en réemploi... Des inscriptions et trois monuments datant de la fin du IVème siècle. Celui de Nicias, dont il ne subsiste pas grand chose se trouve à l'Ouest du théâtre de Dionysos, et celui de Thrasybulle domine le théâtre : c'est une construction complexe ouvrant sur une grotte surplombée par deux colonnes corinthiennes.
Et, à la jonction des rues actuelles Vyronos (Byron) et Lyssikratous,
le monument de Lysicrate, très élégant et raffiné !
Sur un piédestal carré (3mx3m), en calcaire, d'une hauteur de 4 m, s'élève un édifice cylindrique (tholos) en marbre pentélique de 2,8m de diamètre et 6,50m de hauteur. Le mur est composé de 6 panneaux monolithes séparés par des colonnes corinthiennes (1ère apparition de l'ordre corinthien à Athènes). Les entre-colonnements sont décorés de trépieds.
L'architrave porte l'inscription : une ligne sur chaque bande : "Lysicratès, fils de Lysitheidès, du dème de Kikynna était chorège, le tribu Akamantide a emporté la victoire dans les chœurs de jeunes gens, Théon était joueur de flûte,, Lysiadès d'Athènes instructeur du chœur, Evainétos archonte." *
On devine l'inscription au-dessus du trépied situé juste à gauche de la colonne corinthienne (Photo Ph.H)
Au-dessus de l'architrave, une frise continue représente Dionysos assis sur un rocher et caressant une panthère, au milieu de jeunes satyres qui lui servent à boire. D'autres satyres, armés de thyrses, de gourdins ou de torches punissent les pirates tyrrhéniens qui, ayant pris le dieu pour un fils de roi, l'avaient enlevé dans le but de le vendre comme esclave, Ils sont jetés à la mer, déjà à demi métamorphosés en dauphins. C'est une illustration de l'Hymne homérique à Dionysos, et peut-être était-ce le sujet de l'œuvre dans laquelle le chœur de jeunes gens avait brillé.
Partie de la frise la mieux conservée
Le toit, cylindro-conique, est constitué d'une seule plaque de marbre (marbre un peu gris de l'Hymette) imitant une toiture de tuiles imbriquées avec 3 rinceaux qui se rejoignent pour former un bouquet d'acanthes. Le trépied devait reposer non sur ce fleuron mais l' "enjamber" et prendre appui sur la toiture.
La frise "dionysiaque" n'est pas en très bon état, et de toute façon, elle est située si haut qu'il faut ou disposer de jumelles ou "zoomer" sur son appareil photo pour en avoir une idée.
Heureusement nous avons les dessins de James Stuart et Nicolas Revett ! Ces deux architectes-archéologues-peintres britanniques, qui visitèrent Athènes au milieu du XVIIIème siècle ont mesuré, dessiné et fait des plans de tous les monuments qu'ils ont pu voir, et ils publièrent leur travail, une somme d'une qualité remarquable. Ils ont reproduit cette frise. (http://el.travelogues.gr)
Dionysos caressant la panthère
Pirate qui se métamorphose en dauphin
Dessin par Revett et Stuart du monument reconstitué
* Λυσικράτης Λυσιθείδου Κικυνεύς εχορήγει / Ακαμαντίς παίδων ενίκα Θέων ηύλει / Λυσιάδας Αθηναίος εδίδασκε Ευαίνετος ήρχε (l'inscription, elle, est, comme toujours, en lettres capitales, sans intervalles entre les mots)
Tags : monument de lysicrate, chorégie, dionysos
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Commentaires
3MialineMercredi 18 Novembre 2015 à 15:21Merci pour cet article passionnant qui nous sort de l'actualité dramatique et angoissante4philhelleneMercredi 18 Novembre 2015 à 16:26Articles programmés, sinon,chez moi, c'eût été l'horrible réalité passée et sans doute à venir
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Merci pour cet article très beau, et pour le lien de Travelogues!
Selon les archéologues, une bonne partie du monument chorégique de Nicias est intégrée dans la porte dite Beulé de l'Acropole.