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Le monument de Lysicrate et les moines Capucins
Le monument de Lysicrate a traversé le temps, sans trop de dommages : un miracle !
Ni les barbares ni les chrétiens ni les Ottomans ne s'en prirent à cette construction : Est-ce sa forme circulaire qui l'a protégé ?! Et pourtant, que de monuments antiques, détruits et saccagés, pas nécessairement par fanatisme aveugle mais parce que, tout simplement c'était du matériau à portée de main pour de nouvelles constructions, églises ou autres ! A,u XVIIème siècle, le monument est donc toujours là, le soubassement quasi enterré, ce qui est un phénomène normal.
C'est sous le nom de Lanterne de Diogène ou de Démosthène qu'il est connu : Diogène dont on raconte qu'il cherchait un HOMME avec une lampe, en plein jour ; quant à Démosthène, l'orateur était réputé travailler énormément, y compris la nuit...
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Une fois passé le choc psychologique de la prise de Constantinople par les Turcs Ottomans en 1453 et la situation normalisée, les contacts ne tardent pas à s'établir entre la Porte et les puissances occidentales, désireuses de protéger leurs ressortissants, laïcs et religieux, mais aussi - et surtout ! - d'y jouer un rôle politique et de se ménager des ouvertures économiques. L'empire ottoman devient un terrain de compétition entre royaumes européens.
Les fameuses (et premières du genre) Capitulations sont conclues entre François 1er et Soliman le Magnifique en 1539 : elles seront étendues à d'autres puissances un peu plus tard. Ce sont des droits et privilèges notamment commerciaux accordés aux chrétiens résidant dans les possessions ottomanes. Les Capitulations garantissent aussi la liberté de culte et la protection des religieux et des pèlerins. µIl revient aux consuls de veiller à ce qu'elles soient respectées.
Les congrégations religieuses (Jésuites en premier lieu) se réinstallent à Constantinople, à Smyrne et dans les îles (Paros, Chios, Naxos, Syros, Andros, Eubée etc.), là où il y a le plus de catholiques. A partir des années 1620, sous l'impulsion de Louis XIII, les Capucins (ordre franciscain sévère) jouent en Méditerranée un rôle important, au service des rois de France et de la papauté (mission pour la Propagation de la Foi). Sur place ils ont un rôle d'aumoniers et de desservants du culte auprès des résidents catholiques mais ils sont aussi "soignants", ouvrent des écoles et s'intéressent à l'archéologie : ils font des relevés, des plans etc.
Les premiers Capucins s'installent à Athènes en 1658 et acquièrent en 1669 un terrain pour y bâtir leur couvent-hospice : sur le terrain acheté se trouvait le monument de Lysicrate, lequel leur fut vendu, à condition qu'il demeurât visible et accessible à tous de la rue : décision du cadi ottoman d'Athènes. La préservation du monument était donc assurée, pour quelques décennies tout au moins... Le monument devient alors un cabinet de travail et de lecture. Les moines n'y seront jamais plus de deux et ils prendront des "locaux" à leur service.
La fondation du couvent coïncide avec le début de la mode des voyages en Grèce : 1669, c'est aussi l'année où, après un siège de 21 ans qui a tenu la Chrétienté en haleine, la Crète (sous domination vénitienne depuis 1204) tombe aux mains des Turcs. Deux décennies plus tard, en 1687, le vénitien Morosini bombarde l'Acropole occupée par les Turcs : le Parthénon dont les Turcs avaient fait une poudrière explose, le toit (d'origine) s'effondre et la colonnade nord est définitivement endommagée... La plus grande catastrophe qu'ait jamais connue le Parthénon.
Gravure de Coronelli, éditée vers 1708 à Venise : canonnade du Parthénon depuis la colline de Philopappou
Ces événements suscitent des réactions "philhellènes". Le nombre de voyageurs européens va s'accroître au XVIIIème siècle. Athènes, qui n'est qu'une misérable bourgade, reste néanmoins ATHENES ! Les voyageurs qui y passent sont logés chez les particuliers aisés, dans la maison du consul de France ou au couvent des Capucins.
Le couvent des Capucins verra donc défiler peintres, dessinateurs, poètes, aventuriers, et autres amateurs d'antiquités. Les moines n'ont malheureusement pas tenu de registre des entrées.
Le Roy, architecte français : il séjourna à Athènes chez les Capucins quelques mois en 1755.
Stuart et Revett : la cour du couvent. Les moines étaient aussi jardiniers-botanistes : ce furent d'ailleurs eux qui, en 1818, firent connaître la tomate aux Athéniens, lesquels, sceptiques, y virent une plante d'ornement avant de commencer à la consommer.
Les deux Anglais voyagèrent en Grèce entre 1751 et 1755 : tous deux étaient architectes, passionnés par les monuments antiques dont ils firent des relevés et des élévations remarquables. A leur retour, ils travaillèrent à la publication de leur ouvrage dont le 1er tome paru en 1762 rencontra un très grand succès.
Le dessinateur Simone Pomardi voyagea avec l'archéologue anglais Dodwell : vers 1805-1806, publié en 1820.
Le monument s'ouvre aussi sur l'intérieur du couvent.
A suivre...
Tags : monument de lysicrate, couvent capucins, athènes
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Commentaires
Le degré d'enfoncement du monument à l'intérieur de l'enclos du monastère apparaît très différent du premier au deuxième (et troisième) dessin. Pourtant, les deux premiers sont de la même époque.
C'est ce que j'ai également remarqué ! On ne peut guère se fier les yeux fermés aux gravures et dessins...