• Street art? ou...

        Dans la nuit du 4 au 5 mars 2015, le mur extérieur du bâtiment historique de l'Ecole Polytechnique Metsovio* d'Athènes, celui qui donne sur la rue Stournari ,a été recouvert d'une "fresque". Difficile de dire ce qu'elle représente : de larges badigeons noirs et blancs qui s'élancent du bas du bâtiment vers le haut.

     

    Street art, "ça" ?

        

     

    Street art, "ça" ?

         L'Ecole Polytechnique Metsovio  n'est pas très éloignée de la place Omonia, juste à côté du Musée Archéologique National, à l'angle de la rue Patission et de la rue Stournari, celle-ci menant tout droit à la place Exarchia, quartier "difficile".

     

    Street art, "ça" ?

     

     

    Street art, "ça" ?

    Fresque, graffiti, vandalisme ?

        Certains y voient représentée la "crise", l'état de la Grèce aujourd'hui, d'autres une sorte de Guernica... ou du Basquiat... ou du post-graffiti...

       Personnellement, pour m'être retrouvée devant ce mur et y être passée plusieurs fois, je reconnais volontiers qu'il y a là un geste artistique authentique, à la Pollock disons : l'artiste et son "atelier" n'a pas fait n'importe quoi, mais, du fait du choix d'un support inapproprié, le geste devient destructeur et donc, à mon sens s'annule comme artistique, et devient du vandalisme. Il ne me semble pas qu'on puisse y voir une "valeur ajoutée".

         Le support, en effet, est une œuvre architecturale (architecte Lysandros Kavtantzoglou) s'inscrivant, d'une part, dans l'urbanisme néo-classique du milieu du XIXème siècle, lorsque le nouvel Etat grec se dote de bâtiments publics et d'établissements universitaires, et d'autre part, dans l'histoire - que l'on peut dire récente - de la Grèce. Outre le fait que s'y sont formées des générations d'ingénieurs de talent, ce lieu a joué un rôle important sous la dictature des colonels (1967-1974) événement conservé dans la mémoire collective et commémoré chaque année : le 17 novembre 1973, la révolte des étudiants demandant "Pain, Education, Liberté / Ψωμί, Παιδεία, Ελευθερία" a été réprimée dans le sang, lorsque les chars brisèrent la porte et y entrèrent. 

        Cette "fresque" que l'on pourrait l'appeler Désastre de la Crise (cf Désastres de la Guerre de Goya) par son contenu désespéré à souhait, a, néanmoins, le mérite (était-ce un des objectifs des "artistes-vandales" ?) d'attirer l'attention sur l'état de l'enceinte du bâtiment, laquelle, à leur décharge, est, depuis des années, couverte de tags, affiches, petites annonces et la "fresque" n'a fait qu'en ajouter une couche, conséquente certes, mais que le passant au moins regarde, qu'il s'en indigne ou s'en réjouisse. toute la différence est là, et c'est bien la raison pour laquelle elle est l'objet de discussions.

       Volontairement ou non, elle dénonce haut et fort l'incurie, le désintérêt, le laxisme de l'Etat et des autorités municipales qui laissent certains quartiers de la ville sombrer - selon moi - dans le délabrement et la laideur. Le domaine public, depuis des années, est l'égal d'un exutoire, et il semble que le sens de la préservation et du maintien d'un environnement agréable pour tous (parce qu'il appartient à tous) se soit perdu, s'il a jamais vraiment existé... L'accoutumance a rendu aveugle. Que de bâtiments publics, de statues défigurés, tagués, sans que les pouvoirs publics bougent et verbalisent : liberté d'expression ?

       Les autorités  ont finalement décidé d'effacer la "fresque", ce qui apparaît comme une première... Trois semaines de travail.

    *************

    *L'Ecole Polytechnique, fondée en 1836, est d'abord un établissement très modeste, non universitaire, mais il va se développer au fur et à mesure des besoins. C'est en 1871 qu'il s'installera dans les locaux actuels de la rue Patission, sur un terrain qui avait été légué en 1852, pour cet usage, par Nicolaos Stournaris : il souhaitait que son pays ait une école polytechnique d'excellence, mais sa mort prématurée l'en a empêché. Il était originaire de Metsovo en Epire. Deux de ses concitoyens de Metsovo, Avérof et Tositsas, suivirent son exemple et, poursuivant son oeuvre, aidèrent à la création et au fonctionnement de l'Ecole Polytechnique d'Athènes qui en 1914 fut appelée Metsovio (de Metsovo) en l'honneur des trois évergètes (bienfaiteurs).

     

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  • Commentaires

    1
    penarbed
    Mercredi 18 Mars 2015 à 11:16

    Merci pour cet  article très documenté

    2
    Mercredi 18 Mars 2015 à 11:43

    A chaque fois que je passe à Athènes, je suis désolée (et en colère) de voir des tags partout, et pas dans des quartiers excentrés... Une fois qu'on laisse aller, difficile de revenir en arrière, pourtant, il faudrait.

    3
    Jeudi 19 Mars 2015 à 18:37

    terrible illustration du désastre de la crise oui genre de Guernica

    oui le geste devient destructeur et le côté artistique s'annule.

     

     

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    4
    Jeudi 19 Mars 2015 à 18:46

    Il y a "quelque chose" dans cette fresque, à la différence de tous les tags et autres qui ne sont que dégradations stupides.

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