Jean Harambat (texte et dessins) a choisi de dessiner et raconter la toute fin de l'Odyssée.
Après dix années de guerre sous les murs de Troie et dix autres années de tribulations, Ulysse vient enfin de poser le pied sur Ithaque, mais de nouveaux dangers l'attendent, il ne doit surtout pas être reconnu sinon les prétendants le tueront. Il arrive donc sous l'aspect d'un vieillard misérable.
La grande originalité de l'auteur est d'insérer dans le récit des intermèdes : tout en gardant le mode BD, il donne la parole à des contemporains qui nous disent ce qu'Ulysse, Ithaque, Homère représentent pour eux : J-P Kauffmann par exemple qui a pu longtemps se demander si un jour il sortirait de sa geôle et s'il y aurait jamais un retour pour lui... On rencontrera aussi, entre autres figures, Lawrence d'Arabie et Schliemann.
Les grands spécialistes de l'Antiquité Grecque sont également convoqués : Jacqueline de Romilly, François Hartog et Jean-Pierre Vernant. Des trois hellénistes, c'est J-P Vernant qui est le plus habilement utilisé, celui pour lequel Harambat a trouvé un ton juste et convaincant et le lecteur a vraiment plaisir à le retrouver en compagnie de son petit-fils Julien auquel il donne des explications et des informations. Jipé, comme on l'appelait et comme l'appelle aussi son petit-fils, était un grand conteur et il adorait aller dans les écoles et collèges raconter Homère aux enfants et aux adolescents. Harambat a restitué avec justesse la parole de Vernant. Le couple Jipé-Julien est un des deux fils rouges de la BD.
L'autre fil rouge, c'est l'Ithaque d'aujourd'hui : une excellente idée que de transporter le lecteur à Ithaque, pas seulement pour lui parler d'archéologie. Là aussi Harambat donne la parole aux habitants de l'île qu'il a pu rencontrer. Que reste-t-il des aventures d'Ulysse dans la mémoire collective des habitants d'Ithaque? S'intéresse-t-on encore à Homère et aux textes homériques ?...
C'est un ouvrage ambitieux, qui, à quelques réserves près, a réussi son pari ! C'est une "grosse" BD, d'au moins 150 pages (d'au moins, car les pages ne sont pas numérotées).
****************
Télémaque auprès de sa mère Pénélope : à l'arrière-plan, le métier à tisser et la fameuse toile tissée le jour et "détissée" la nuit.
Coupe à boire (skyphos) à figures rouges (-440-435) Museo civico de Chiusi, Italie.