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Kallirroï Parren Siganou, "suffragette" grecque
8 mars, journée de la femme
Petit historique de la lutte dεs femmes grecques pour obtenir le droit de voter et d'être élues
Το δικαίωμα του εκλέγειν και του εκλέγεσθαι
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C'est par la loi 2159 du 28 mai 1952 que les femmes grecques acquièrent le droit de voter et d'être élues mais elles ne pourront pas participer aux élections législatives de novembre 1952, les listes n'étant pas encore mises à jour. Néanmoins, début 1953, lors d'une élection partielle à Thessalonique, les femmes voteront et pour la 1ère fois, une femme sera élue député, Eleni Skoura.
Ce ne sera donc qu'aux législatives du 19 février 1956 qu'elles pourront, toutes, exercer leur droit : deux femmes seront élues, dont l'une, Lina Tsaldari, sera la première à être nommée ministre (prévention sociale). La même année, à Corfou, Maria Dessila sera la première femme maire.
Il faudra attendre la Constitution de 1975 pour que soit officiellement proclamé que : "Tous les Grecs et Grecques sont égaux devant la loi" / «όλοι οι Έλληνες και οι Ελληνίδες είναι ίσοι ενώπιον του νόμου».
La 1ère Constitution de 1844 déclarait simplement que "Les Grecs sont égaux devant la loi", laissant donc de côté la moitié de la population, ces femmes qui, pourtant, avaient participé à la lutte contre l'oppresseur turc pendant la Guerre d'Indépendance. Mais la femme est "chose dangereuse"...
Le chemin vers l'égalité sera long d'autant que le combat ne peut être mené que par des femmes qui ont reçu une éducation (une très petite minorité) et qui sont prêtes à faire face à toutes les insultes les plus sexistes. Cf note ***
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Kallirroï Parren Siganou / Καλλιρόη Παρρέν Σιγανού
1861(59?) - 1940
Une pionnière, la première à réclamer le droit de vote pour les femmes grecques
Kallirroï Siganou est née en Crète, près de Réthymno mais suite au massacre d'Arcadi*, la famille part s'installer à Athènes. Elle fait sa scolarité à l'Ecole Française des Sœurs au Pirée et, elle obtient, au terme de sa scolarité secondaire, un diplôme d'institutrice. A cette époque, les filles étaient interdites d'études universitaires. Elle part, toute seule, à Odessa où depuis des lustres il y avait une communauté grecque importante, aisée et éclairée, pour y diriger une école. Elle y reste deux ans, revient à Athènes et épouse Ioannis Parren de Constantinople (de père français et mère anglaise) : il fondera le premier Bureau Athénien d'Information et soutiendra toutes les actions "féministes" de sa femme.
En 1887, elle crée son journal : Le Journal des Dames / Εφημερίδα των Kυριών dont la rédaction n'est composée que de femmes, dont elle-même. Le premier numéro (3000 exemplaires) essentiellement diffusé à Athènes et au Pirée, s'arrache, alors que peu de femmes savent lire...
La réception - masculine - en fut, on imagine, peu amène, mais petit à petit, des écrivains, des poètes en viennent à admirer son audace et à prendre son parti. Dès 1887, elle lance l'appel dans son journal : Vote pour la femme / Ψήφος εις την γυναίκα
Le journal connaîtra une longévité hors du commun et inégalée pour un magazine féminin grec. Jusque 1907 il paraîtra chaque semaine puis deviendra bi-mensuel jusque 1918, date à laquelle Kalliroï Parren est exilée à Hydra pour ses opinions politiques (elle est monarchiste et anti-vénizéliste). Au retour de ses dix mois d'exil, elle n'en reprendra pas la publication.
Ses activités et son énergie sont sans limite : elle fonde une Ecole du dimanche en 1990 pour les jeunes filles et les femmes sans ressources, des institutions de bienfaisance avec le soutien de la reine Olga, elle participe à des rencontres et colloques "féministes" à l'étranger à Paris, Chicago..., et en 1911, elle crée le Lycée des Grecques / Λύκειο των Ελληνίδων**, une institution destinée à préserver les danses et les costumes traditionnels.
Avec le vote des femmes, et l'alphabétisation des filles et des femmes, l'autre grand combat de Kalliroï Parren fut d'obtenir des autorités universitaires et politiques que des femmes puissent s'inscrire à l'Université et devenir médecin, professeur, avocate, mathématicienne etc. ce qui fut obtenu en 1890.
Pour ce qui est du droit de vote pour les femmes, c'est-à-dire de l'égalité des droits pour tous, la lutte fut plus âpre. Le mouvement pour l'émancipation de la femme grecque commence à s'organiser à partir de 1920, en particulier avec la fondation de la très active Association pour les droits de la femme / Σύνδεσμος για τα Δικαιώματα της Γυναικός.
Kalliroï Parren réussit à convaincre le premier ministre Gounaris de la légitimité de cette demande, mais, lorsqu'il en fait la proposition au Parlement en 1921, il ne réussit guère à convaincre ses collègues... ***
En 1924, le premier gouvernement démocratique grec (le roi a abdiqué, instauration d'une République) fait une tentative pour que ce droit soit introduit dans la Constitution, tout au moins pour les élections municipales : nouvel échec.
En 1930, enfin, les femmes obtiennent le droit de voter (pas d'être élues) pour les élections municipales, mais sous conditions : avoir 30 ans minimum et savoir lire et écrire. C'est aux élections municipales de février 1934 que des femmes votèrent pour la première fois. La participation fut peu importante : outre les conditions restrictives, il y avait beaucoup d'obstacles matériels (s'inscrire) et moraux (les préjugés, complexe d'infériorité). Il n'y eut pas plus de 14 000 inscrites et environ 12 000 votèrent, dont 2 336 à Athènes.
Puis, vient en août 1936 la dictature de Metaxas, suivie de la guerre d'Albanie, l'occupation allemande, la guerre civile... Il n'est donc pas étonnant qu'il ait fallu attendre 1954 pour que la requête des femmes soit prise en considération...
MAIS il ne faut surtout pas oublier et considérer comme négligeable ce qui se passa dans les montagnes pendant l'occupation allemande où fut établi "l'Etat démocratique des Montagnes" de la Grèce libre, en grec Laocratie / Λαοκρατία Pouvoir du Peuple. Les femmes résistantes furent très nombreuses, et il eût été difficile de ne pas en tenir compte. Lors des élections des membres du Conseil National 23 avril 1944, pour la première fois dans l'histoire de la Grèce, toutes les femmes âgées de plus de 18 ans purent voter, ouvertement en Grèce libre, et clandestinement dans les villes occupées où les élections purent se tenir.*****
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* Massacre d'Arcadi : le monastère d'Arcadi, près de Réthymno, fut un haut lieu de la lutte des Crétois contre la domination turque. Novembre 1866 : des résistants s'y étaient réfugiés avec femmes et enfants : un millier de personnes dont 259 hommes armés. Mustapha Pacha envoya contre eux une armée de 15 000 hommes accompagnés de 35 canons... Le siège se termina le 9 novembre dans un bain de sang : 3 ou 4 personnes purent s'enfuirent, 150 environ furent faites prisonnières. Les Turcs perdirent 1 500 hommes.
** Lykio ton Ellinidon. Cette institution, ouverte aux hommes désormais, existe toujours et a des antennes un peu partout dans le monde de la diaspora grecque, donc à Paris. Lykion Ellinidon Paris
*** Cf article édifiant paru dans le journal "Nouveau jour" le 20 mars 1920 / Εφημερίδα «Νέα Ημέρα», 20 Μαρτίου 1928
"Des personnes de sexe féminin demandent que le droit de vote soit donné aux femmes. A ce sujet, un savant de la plus haute distinction avait par le passé, du haut de la tribune du Parlement développé ce qui est scientifiquement bien reconnu, à savoir que tout être féminin est dans un état de déséquilibre et d'aliénation certains jours de chaque mois. Des recherches plus récentes et plus fouillées montrent que ce n'est pas seulement certains jours du mois, mais pendant tout le mois que les individus de sexe féminin souffrent de ce déséquilibre de l'esprit et des sens, parfois mesuré, mais dans la plupart des cas, il est très fort et impossible à contenir, présentant toutes sortes de manifestations avec le temps. Et comme ces jours ne sont pas les mêmes pour toutes les femmes, il est impossible d'en trouver un où elles feront montre d'équilibre de l'esprit et de calme psychique et de fixer chaque élection cet heureux jour. Par conséquent, le vote des femmes est dangereux et doit être repoussé."
(Traduction faite à toutes pompes, donc des erreurs ou maladresses probablement...)
**** Cf de Mark Mazower Dans la Grèce d'Hitler (1941 - 1944) Ed. Les Belles-Lettres 2002. La traduction de cet ouvrage de l'anglais en grec a été faite par Thalétas !
Et pour les amatrices et amateurs de langue puriste, ci-dessous l'original de l'article
«…Ορισμένα τινά Ελληνικά θήλεα ζητούν να δοθή ψήφος εις τας γυναίκας. Σχετικώς με το ίδιον τούτο θέμα διαπρεπέστατος επιστήμων είχεν άλλοτε αναπτύξει από του βήματος της Βουλής το επιστημονικώς πασίγνωστον, άλλως τε, γεγονός ότι παν θήλυ διατελεί εις ανισόρροπον και έξαλλον πνευματικήν κατάστασιν ωρισμένας ημέρας εκάστου μηνός… Νεώτεραι και ακριβέστεραι έρευναι καταδείκνυσιν ότι ου μόνον ωρισμένας ημέρας, αλλά δι’ όλου του μηνός τελούσιν άπαντα τα θήλεα εις πνευματικήν και συναισθηματικήν ανισορροπίαν, τινά δε μετρίαν, τα πλείστα δε σφοδροτάτην και ακατάσχετον, άτε και παντοιοτρόπως εκδηλουμένων και κλιμακουμένων συν τω χρόνω… Επειδή εν τούτοις αι ημέραι αύται, δεν συμπίπτουν ως προς όλα τα θήλεα, είναι αδύνατον να ευρεθή ημέρα πνευματικής ισορροπίας και ψυχικής γαλήνης όλων των θηλέων, ώστε την ευτυχή εκείνην ημέραν να ορίζονται αι εκάστοτε εκλογαί. Η γυναικεία συνεπώς ψήφος είναι πράγμα επικίνδυνον, άρα αποκρουστέον».
M.R.
Tags : grèce, vote des femmes, callirhoï, parren, suffragette
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