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Toujours pris de court...
Constantin Cavafy / Konstantinos Kavafis / Κωνσταντίνος Καβάφης
Kavafis (Cavafy) est un poète rare.
De par la minceur de son œuvre : 154 poèmes reconnus par lui-même comme "dignes", poèmes qui ne furent jamais édités de son vivant, mais qu'il donnait à ses amis sur des feuilles volantes, au fur et à mesure de leur achèvement.
Rare de par sa position : grec d'Egypte, grec de l'extérieur, grec de la périphérie dont l'horizon est moins celui de la Grèce classique du Vème siècle av. J.-C., la "vieille" Grèce, que l'hellénisme hellénistique, celui qu'a ouvert l'expédition d'Alexandre Le Grand en Orient, et dont ses successeurs ont assumé l'héritage que se sont ensuite approprié les Romains, et que le christianisme a, à la fois, "digéré" et rejeté. Kavafis est le poète-historien de cet hellénisme "periphérique" qui va de la Sicile à Antioche en passant par Sinope et Osroène et sur lequel il porte un regard à la fois distancié et personnel.
Rare par sa langue : ni savante ni démotique, elle joue sur ces registres, ce qui lui donne une saveur particulière, d'autant plus que son écriture, son style sont dépouillés, sans enflure, sans pathos. L'émotion est toujours contenue par cette stricte économie des mots et par une prosodie rigoureusement contrôlée. Rien d'hermétique pour autant.
Rare enfin par un érotisme qui ne se cache pas, mais reste mesuré et discret*. Toute son œuvre est un hymne, contenu, à la beauté de l'éphèbe, celui d'hier et de son aujourd'hui, sous quelque forme que ce soit : une sculpture, une épitaphe, une rencontre furtive dans une taverne d'Alexandrie, dans un escalier, ou une "pauvre chambre", ou à la table voisine, un visage fait ressurgir les "passions interdites", les désirs et les ardeurs du passé...
Le poème ci-dessous est d'un contenu différent : poème gnomique, "impersonnel" à l'adresse de tous, de "nous" pauvres humains, qui nous imaginons maîtres de notre destin alors que nous n'en sommes que les jouets.
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C'est fini
Dévorés de peurs, assaillis de doute, l'esprit tourmenté et les yeux pleins d'horreur nous nous évertuons à chercher ce que nous pourrions faire pour écarter de nous le danger inéluctable dont l'imminence nous terrifie. Pourtant, nous nous trompons, ce n'est pas lui sur le chemin ; les renseignements étaient faux (ou nous les avons mal entendus, ou mal compris). Une autre catastrophe, que nous n'avions pas imaginée, fond subitement sur nous tel l'éclair et à l'improviste - trop tard, maintenant - nous emporte.1910
Traduction Dominique Grandmont 1999 Ed. Gallimard
ΤΕΛΕΙΩΜΕΝΑ
Μέσα στον φόβο και στες υποψίες,
με ταραγμένο νου και τρομαγμένα μάτια,
λιώνουμε και σχεδιάζουμε το πώς να κάμουμε
για ν’ αποφύγουμε τον βέβαιο
τον κίνδυνο που έτσι φρικτά μας απειλεί.
Κι όμως λανθάνουμε, δεν είν’ αυτός στον δρόμο·
ψεύτικα ήσαν τα μηνύματα
(ή δεν τ’ ακούσαμε, ή δεν τα νιώσαμε καλά).
Άλλη καταστροφή, που δεν την φανταζόμεθαν,
εξαφνική, ραγδαία πέφτει επάνω μας,
κι ανέτοιμους ― πού πια καιρός ― μας συνεπαίρνει.La traduction de Dominique Grandmont ne me satisfaisant pas complètement, voici la traduction de Marguerite Yourcenar et Dimaras, plus fidèle au texte, mais pourquoi diable n'ont-ils pas respecté la forme du poème... Ce n'est pas un poème en prose.
Dénouements
Dans le soupçon et la crainte, hagards, l'esprit troublé et les yeux pleins d'effroi, nous cherchons comment parer au danger certain qui si affreusement nous menace... Mais nous nous trompions : ce malheur n'était pas en route, et les nouvelles étaient fausses. (Ou nous les avions mal entendues, mal interprétées.) Une autre catastrophe que nous n'imaginions même pas, brusque, en averse, nous tombe dessus, et, nullement préparés (il n'est plus temps !) nous emporte.
Collection Poésie / Gallimard
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La présentation critique de Marguerite Yourcenar (à qui l'on doit d'avoir fait connaître Cavafy) est remarquable. En français, à part en 1964 le Constantin Cavafy de Georges Cattaui dans la collection Seghers "Poètes d'aujourd'hui", il n'y a quasiment rien. A ma connaissance, le seul ouvrage récent est le numéro que la revue Europe lui a consacré : juin-juillet 2013, n° 1010-1011.
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Constantin Cavafy, ainsi qu'il transcrivait son nom, Konstantinos Kavafis est né à Alexandrie en 1863 de parents appartenant à la grande bourgeoisie de Constantinople. Ils s'installèrent à Alexandrie en 1855. Le père s'occupe du négoce du coton et devient vite un membre éminent dans la Communauté Grecque. Le commerce du coton est florissant, d'où un train de vie conséquent : précepteur français, nurse anglaise, serviteurs grecs, sans compter un cocher italien. La mort du père en 1870 vient tout bouleverser, et, en 1872, la mère part avec ses sept enfants (Cavafy est le dernier) en Angleterre où la famille avait une société import-export de coton, laquelle fait faillite. Commencent alors les années noires, le retour à Alexandrie en 1877, les deuils, la vie difficile, le bombardement d'Alexandrie par les Anglais en 1882**, l' "exil" de deux ans à Constantinople auprès de la famille maternelle, le retour définitif à Alexandrie, Il commence à écrire, mais il faut aussi vivre : un peu de journalisme, courtier à la Banque du coton, et employé au Bureau de l'Irrigation dont les cadres étaient anglais, pendant 30 ans, jusque 1922. Il avait une double nationalité : grecque et anglaise.
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* On peut s'étonner de ce que Kavafis, vu sa position modeste de "déclassé" dans la société alexandrine, n'en ait pas été mis au ban.
** 1882 Cf un article très éclairant de la revue Hérodote sur les relations Egypte-Puissances européenes, c'est-à-dire de l'Angleterre qui va profiter de l'occasion pour y établir un protectorat de fait. La situation de l'Egypte rappelle beaucoup la situation de la Grèce aujourd'hui...
Tags : Kavafis, Cavafy, Yourcenar
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Commentaires
Merci beaucoup pour ces précisions, Marie-Cécile, et pour cette superbe traduction qui, en effet, est beaucoup plus juste et plus belle que celle de Grandmont ! J'ai vu une fois en librairie cette édition : je ne l'ai pas achetée tout de suite (en raison du prix probablement), puis je l'avais complètement oubliée !
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Merci, Philhellène, pour ce magnifique à propos !
Face au cataclysme, les poètes sont souvent d'un grand secours moral, et notamment Cavafy, cet homme d'un monde qui se défait, lui qui se tient toujours " légèrement de biais" par rapport à tout ce qui l'entoure, ainsi que le décrivait l'Anglais Forster.
Il y a une autre traduction de ce poème (Zervos-Pottier, à l'Imprimerie Nationale), plus proche du texte (elle garde le verbe du début du 3e vers) et qui garde sa forme :
C'en est fait
Dans la peur et les soupçons,
L'esprit troublé, les yeux pleins d'effroi,
Nous nous consumons, cherchant
Comment parer le danger inéluctable
Et sa menace horrible.
Mais nous nous trompons, le péril n'est pas là,
Les massages étaient faux
(Ou alors nous n'avions su ni les entendre ni les interpréter)
C'est un autre désastre que nous n'imaginions pas
Qui soudain s'abat sur nous et,
A l'improviste, c'en est fait, nous emporte.
Les ouvrages en français (généralement des traductions du grec ou de l'anglais) sur Cavafy sont peu nombreux et beaucoup sont épuisés.
Les belles (mais onéreuses) éditions illustrées chez Fata Morgana sont peut-être trouvables en bibliothèque ?
Je n'indiquerai parmi celles-ci que l'étude de Séféris : "Cavafy et Eliot, un parallèle" et surtout "A la lumière du jour", la traduction de Bruno Roy de la seule nouvelle de Cavafy que je connaisse, tout à fait dans la veine de Maupassant, et qui donne une excellente idée de la vie quotidienne du monde que fréquentait Cavafy.
Lisons et relisons Cavafy. Il y a quelques décennies, il avait été question de faire un manuel de littérature européenne commun à tous les pays de la Communauté Européenne (moins nombreux à l'époque). Pour la Grèce, c'est Cavafy qui avait été choisi … lui qui n'y a jamais vécu. Qu'il soit le seul n'était pas très juste vis-à-vis d'autres auteurs grecs, mais c'est dire si Cavafy est bien un monument dans la littérature occidentale.